Le hadj, qui a rassemblé cette année 1,8 million de fidèles, a cumulé plusieurs bilans meurtriers ces dernières décennies, dues à la chaleur et aux risques de mouvements de foule.
L’édition 2024 du pèlerinage à La Mecque aura eu, encore une fois, son lot de drames. Selon le dernier décompte réalisé à partir de données fournies par différents pays, près d’un millier de fidèles auraient perdu la vie en accomplissant ce pèlerinage musulman annuel en Arabie saoudite, aux dates fixées à partir du calendrier lunaire, qui tombait cette année du 14 au 19 juin. En tout, quelque 1,8 million de fidèles ont été décomptés. Le pic a été atteint en 2012, avec 3 millions. Et pour chaque décennie son bilan meurtrier : 1426 morts en 1990, 364 en 2006, 2300 en 2015…
Ce rendez-vous religieux, en tant que cinquième pilier de l’islam, est obligatoire, une fois dans sa vie, pour tout musulman qui en a la capacité financière et physique. À ce jour, il reste l’un des plus grands rassemblements au monde et représente un immense défi logistique immense pour les autorités de Ryiad. En ce sens, il est «un cas d’étude pour les chercheurs qui s’intéressent aux mouvements de foule», relève Mehdi Moussaïd, chercheur en sciences cognitives au Max Planck Institute de Berlin et auteur du blog Fouloscopie.
Les deux premiers jours notamment, les mouvements nécessitent une certaine condition physique et, sous une forte température, se révèlent fatals pour certains fidèles. La première cérémonie consiste à faire sept tours autour de la Kaaba dans le sens antisolaire (inverse des aiguilles d’une montre) : c’est la circumambulation. À chaque tour, le pèlerin doit toucher de la main droite ou embrasser la Pierre noire, en prononçant la formule «Allahu akbar». Évidemment, la majorité des pèlerins ne peut s’approcher de la Ka’ba, et doit se contenter de tendre la main droite vers la pierre. Pour les hommes, il est conseillé d’effectuer les trois premiers tours d’un pas rapide, et de faire les quatre derniers à un rythme normal. Le deuxième jour, quand le soleil se lève, le pèlerin doit se rendre à la montagne Arafat, à 20 kilomètres, où Mahomet fit son discours d’adieu selon la tradition musulmane, et y rester jusqu’au soleil couchant.
Cette année, la forte chaleur a été identifiée comme la principale cause de décès. En cette période de l’année en Arabie saoudite, les températures ont atteint cette semaine jusqu’à 51,8°C à La Mecque. Des plus de 900 décès, «tous sont morts à cause de la chaleur, à l’exception d’un pèlerin qui a succombé après avoir été blessé lors d’un mouvement de foule», a déclaré un diplomate arabe à l’AFP, ajoutant que le chiffre total provenait de la morgue d’un hôpital dans le quartier Al-Muaisem de La Mecque. Les autorités saoudiennes ont affirmé avoir traité plus de 2000 pèlerins souffrant de stress thermique.
Grandes bousculades
Mais la majorité des grands drames connus lors du hadj ont été causés par des mouvements de foule. Car ces cérémonies qui doivent être faites à des moments précis tout au long de 5 jours de pèlerinage, engendrent des flux extrêmement massifs. Mehdi Moussaïd, qui a consacré sur YouTube une série sur les mouvements de foule dont un épisode traite du pèlerinage à La Mecque, y explique que le pic de dangerosité se situe au troisième jour, avec la lapidation des stèles à Mina. Dans cette cérémonie, les fidèles jettent des pierres sur trois piliers symbolisant Satan. Pour y accéder, les centaines de milliers de pèlerins empruntent au même moment le pont Djamarat. «C’est la rampe d’accès du pont qui constitue le vrai goulot d’étranglement», explique le chercheur.
C’est là que se sont passés la plupart des mouvements mortels au cours du hadj. Notamment en 1990, où la panne du système de ventilation dans un tunnel à Mina a créé un mouvement de panique, faisant 1426 morts. Ou encore le drame de 2015, qui reste l’épisode le plus meurtrier de l’histoire du hadj. «On ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé exactement», affirme Mehdi Moussaïd, hormis le fait que cela s’est «produit sur une des rampes d’accès du pont» et dû, a priori, à «une confusion sur le routage des pèlerins».
Adaptation des infrastructures
Face à ces drames récurrents, les autorités saoudiennes ont fait une série d’aménagements en se fondant sur l’analyse des flux. «Depuis 2006, la recherche a permis de limiter les facteurs de risque au maximum», explique Mehdi Moussaïd. Les flux sont mieux contrôlés, des jauges imposées, et de nouvelles rampes d’accès au pont de Djamarat ont été installées, toutes à sens unique. Les piliers initiaux ont été remplacés au fur et à mesure par d’autres plus épais, devenus de vastes murs de 26 mètres chacun. Pour y accéder, un pont a été érigé qui fait désormais 5 étages, avec une capacité de 600.000 personnes par heure. Des caméras de vidéosurveillance équipées de détecteurs permettent aussi d’identifier immédiatement des mouvements inhabituels.
Pour l’Arabie saoudite, l’enjeu est aussi diplomatique. En 2015, l’Iran, qui avait perdu 464 Iraniens lors de la bousculade, et qui envoie en moyenne 60.000 pèlerins chaque année, s’était insurgé contre les conditions d’organisation du pèlerinage, chargeant les autorités à Ryiad. Le royaume saoudien espère accueillir toujours plus de pèlerins. En dehors de la période du «hadj», les musulmans peuvent effectuer l’«omra», le petit pèlerinage. L’enjeu est d’atteindre d’ici 2030 quelque 30 millions de fidèles par an, contre 8 millions actuellement selon le quotidien Saudi gazette.