Omar Guèye Camara interpelle les autorités sénégalaises. Il réclame vérité et justice pour son fils dont le corps sans vie, dit-il, a été «découvert avec des blessures troublantes à la tête, aux lèvres». «Son visage était complètement tuméfié», souligne-t-il dans un témoignage poignant, dans L’Observateur, que nous vous proposons en intégralité.
«Un jeune homme responsable»
«Je suis le père de Makaty Camara, ce jeune Sénégalais retrouvé mort sur une plage à Casablanca, au Maroc. Ma famille vit à Rufisque. Makaty était mon deuxième fils, mais aussi l’unique enfant de sa mère. II avait 33 ans. C’était un jeune homme responsable, dynamique, toujours souriant et profondément engagé envers sa famille. Makaty a très vite compris les réalités de la vie et les responsabilités qui pesaient sur lui. Il savait que l’avenir de sa fratrie, mais aussi de ses parents, dépendait en grande partie de ses efforts. C’est d’ailleurs cette conscience aiguë de ses responsabilités qui l’a poussé à quitter le Sénégal à la recherche d’un avenir meilleur. Il est parti au Maroc et s’était établi à Casablanca où il vivait depuis bientôt sept ans.
«Bien intégré»
«Là-bas, Makaty travaillait dans le secteur de la location d’appartements, en collaboration avec des partenaires marocains. Il s’était bien intégré et n’avait jamais eu de problème avec qui que ce soit. Malgré la distance, il est toujours resté très présent dans nos vies. Il était le principal soutien de notre famille. Récemment, pour la fête de la Tabaski, il m’a envoyé une somme de 80 000 francs CFA. Juste avant la Tabaski, il s’était marié avec une Marocaine. Le couple semblait heureux.
De la piscine à la plage
«Dimanche dernier, il s’est rendu, avec son épouse, sur une plage privée, avec piscine, pour passer un moment de détente. D’après les informations reçues, après avoir nagé dans la piscine, Makaty a remis ses affaires personnelles (téléphone portable, clés, etc.) à sa femme, avant de lui dire qu’il allait se baigner dans la mer, qui se trouvait non loin de là. Depuis ce moment précis, plus personne ne l’a revu. Très vite, son épouse, inquiète de ne pas le voir revenir, s’est lancée à sa recherche. Elle a contacté son cousin et tous les deux se sont rendus à la police pour faire une déclaration de disparition. Ils sont ensuite retournés à la plage pour continuer les recherches. En se rendant à la plage, ils ont demandé à visionner les images de vidéosurveillance. Mais à leur grande surprise, le personnel a refusé en leur affirmant que les caméras ne fonctionnaient pas.
Mystère des images de vidéosurveillance
«Le lendemain, lundi, l’épouse de mon fils et son cousin se sont rendus au consulat du Sénégal au Maroc. Avec l’aide des agents consulaires, ils sont retournés sur les lieux. Cette fois, après leur insistance, ils ont pu accéder aux images des caméras. Ces vidéos montrent clairement Makaty assis, seul au bord de la plage. Puis, quelques minutes plus tard, il disparaît de l’image. Il s’est littéralement volatilisé
«La pire nouvelle qu’un père puisse recevoir»
«Depuis ce dimanche, la famille de son épouse et ses proches au Maroc n’ont cessé de le chercher, multipliant les démarches, sans relâche. Hier [mardi 24 juin], on m’a appelé pour m’annoncer la pire nouvelle qu’un père puisse recevoir : le corps sans vie de mon fils a été retrouvé, sur la même plage, là où toutes les recherches s’étaient concentrées depuis le début. Ce qui est troublant, c’est que son corps présente des blessures visibles : à la tête, aux lèvres et son visage est complètement tuméfié. Rien ne correspond à une simple noyade. C’est pourquoi, aujourd’hui, je refuse de croire à cette version officielle selon laquelle il se serait noyé. C’est inacceptable.
«Une lettre au ministère des Affaires étrangères»
«Mon fils n’a pas été simplement emporté par la mer. Il y a eu autre chose. Je suis dévasté, anéanti. Perdre son enfant est déjà une douleur insupportable, mais dans des circonstances aussi troubles, c’est un cauchemar. J’ai saisi les autorités sénégalaises. Une lettre a été adressée au ministère des Affaires étrangères. J’attends que l’État sénégalais prenne ses responsabilités. Je veux que toute la lumière soit faite sur les circonstances exactes de la mort de mon fils. Il ne mérite pas de partir ainsi, dans le silence et l’injustice. Je veux la vérité, la justice. Pour lui, pour notre famille et pour tous les autres jeunes expatriés qui vivent dans l’ombre, parfois sans protection.»