Fin mai, le coordonnateur du Forum Civil, Birahim Seck, donnait l’information : les nouvelles autorités ont lancé le processus de réforme du Code général des impôts avec la mise en place d’un Comité de pilotage. Les changements envisagés devraient permettre, selon la volonté exprimée par le Premier ministre, Ousmane Sonko, lors de sa Déclaration de politique générale, de faire passer la pression fiscale de 18 à au moins 20%, seuil fixé par l’UEMOA.
Dans cette perspective, l’élargissement de l’assiette fiscale semble constituer la piste privilégiée. Mais avec la forte réduction des marges budgétaires actuellement, cette voie ne serait pas la plus indiquée pour renflouer au plus vite les caisses de l’État, de l’avis de l’économiste et expert fiscal Serigne Mbacké Sougou.
«La plupart des mesures annoncées visent en effet l’extension du champ d’application des impôts à des secteurs ou activités non taxés ou insuffisamment taxés, rappelle le spécialiste dans une contribution publiée ce samedi dans Le Soleil. C’est le cas notamment des services numériques, des activités informelles, des secteurs exonérés ou exemptés sans raison objective. À ces mesures de politique fiscale, il faut ajouter les réformes en matière d’administration fiscale portant sur la modernisation des structures et procédures, la digitalisation, la communication et la promotion du civisme fiscal.»
Si de tels ajustements sont nécessaires dans une dynamique d’optimisation de la politique fiscale, leurs «incidences ne pourront être constatées sur le court terme, car leur mise en œuvre nécessite du temps», objecte Sougou. «Dans le contexte actuel marqué par la nécessité urgente de mobiliser les ressources internes, la réforme du système de taxation en matière de TVA est incontournable», préconise-t-il.
L’expert fiscal exclut de sa recommandation «les impôts directs et taxes assimilées (Impôts sur le revenu, Impôts sur les sociétés, Contribution foncière, Contribution économique…)», pointant leur faible efficacité. «A contrario, plaide-t-il, une réforme portant augmentation du taux de taxation en matière de fiscalité indirecte (Taxe sur la valeur ajoutée, Taxes financières, Taxes spécifiques…) entraîne des effets immédiats sur le niveau des recettes et sur la trésorerie de l’État. Le caractère général et réel de la TVA fait de cet impôt moderne et économique un puissant pourvoyeur de recettes.»
Avec l’harmonisation des législations en matière de TVA dans l’espace UEMOA, en 1998, le Sénégal, qui appliquait une TVA à 20%, est passé à 18%. Serigne Mbacké Sougou propose de revenir, pour six mois (juillet-décembre 2025), à une TVA à 20% «pour les biens et services essentiellement consommés ou utilisés par des catégories sociales disposant de revenus supérieurs à ceux de la classe moyenne».
Mais si les nouvelles autorités décident d’aller dans le sens de ses propositions, l’économiste les invite à ne pas augmenter les taux pour la Taxe sur les affaires financières et les Taxes spécifiques. Cette précaution permettrait, selon lui, d’«éviter des effets pervers sur le coût du crédit et sur les prix (les taxes spécifiques étant comprises dans la base taxable en matière de TVA)». «Évidemment, prévient Sougou, une augmentation du taux de la TVA ne devrait conduire ni à des distorsions économiques ni à une réduction du pouvoir d’achat des ménages vulnérables.»