L’exploitation du champ offshore Sangomar, entamée en juin 2024, marque un tournant historique pour le Sénégal. Après des années de prospection et d’attente, le pays entre officiellement dans le cercle des producteurs d’hydrocarbures. Si les premières recettes restent encore limitées, avec des revenus estimés entre 1 et 2 % du PIB dans les premières années, les attentes économiques et sociales sont considérables. L’enjeu est de transformer cette manne naissante en moteur de développement, en finançant les infrastructures, les services sociaux essentiels ou le désendettement de l’État.
Pour encadrer la gestion de ces ressources, le Sénégal s’est doté d’un dispositif institutionnel incluant un Fonds intergénérationnel, censé garantir une épargne pour les générations futures, et a renforcé son engagement dans l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Toutefois, plusieurs points d’alerte subsistent. Le rapport ITIE 2023 pointe un déficit de transparence dans la publication intégrale des contrats pétroliers et dans la traçabilité des paiements. En parallèle, certaines critiques émergent quant à la concentration du contrôle de ces ressources dans les sphères politiques, au risque d’une utilisation discrétionnaire de la rente.
Cette séquence cruciale intervient dans un contexte de fortes tensions sociales et de fragilités budgétaires. Le risque est réel de voir les dividendes pétroliers captés au détriment d’une redistribution équitable. La réussite du pari pétrolier sénégalais dépendra ainsi de la capacité des autorités à ancrer la gouvernance des hydrocarbures dans la rigueur, la redevabilité et la vision de long terme. Sans cela, la rente pourrait nourrir frustrations et désillusions, au lieu de renforcer la cohésion sociale et la souveraineté économique que beaucoup espèrent.