Au sein de la sélection ghanéenne engagée dans cette CAN Féminine CAF TotalEnergies 2024 au Maroc, un fil invisible relie passé et présent. Un fil tissé par les pionnières, celles qui ont permis aux Black Queens d’exister et d’oser rêver. Parmi elles, une icône : Grace Adjoa Bayor, figure tutélaire du football ghanéen, qui continue de veiller sur ses héritières, aujourd’hui dans un rôle plus discret mais tout aussi essentiel.
Les années fondatrices
Impossible d’évoquer les débuts de la sélection sans s’arrêter sur son parcours. Née au début des années 80, Bayor découvre le football dans les quartiers d’Accra, où elle joue avec les garçons. « Un jour, quelqu’un m’a vue jouer et m’a proposé de rejoindre Ghana Telecom, en 1990 », raconte-t-elle à CAFOnline.
À Mamprobi Indafa Park, elle croise les futures légendes Genevieve Clottey, Lydia Ankrah et Sheilla Okine. « On jouait l’après-midi, des petits matchs à effectif réduit. C’est là que tout a commencé. »
À peine adolescente, elle participe à la compétition interrégionale organisée par la fédération. C’est dans ce tournoi que se dessine la toute première ossature des Black Queens.
Première CAN, première trace
En 1998, Bayor fait partie du tout premier groupe ghanéen engagé dans une phase finale de CAN Féminine. La compétition, organisée au Nigeria, rassemble les huit meilleures nations africaines. Le Ghana entre parfaitement dans le tournoi avec un large succès face à l’Afrique du Sud (4-0) avant de s’incliner en finale contre les Super Falcons (0-2). Bayor se rappelle avec émotion : « C’était spécial. J’ai marqué en sortant du banc. Le fait de représenter le Ghana à cette échelle restera gravé. »
Le tournoi sert aussi de qualification pour la Coupe du monde 1999 aux États-Unis. Dans le groupe D, les Ghanéennes croisent l’Australie, la Chine et la Suède. L’expérience est rude mais inoubliable. « Chanter l’hymne national à ce niveau, c’est indescriptible. Quand on pense à d’où on vient, ce fut un accomplissement. »
Une carrière internationale
Cette Coupe du Monde agit comme un tremplin pour Bayor. Elle part jouer à l’étranger : aux États-Unis (North Virginia, Rochester), en Allemagne, en Chine… Elle est désignée Joueuse Africaine de l’Année en 2003, et nommée à nouveau en 2004 et 2006. En 2007, elle est capitaine des Black Queens lors de la Coupe du monde en Chine, un rôle qu’elle endosse avec fierté. « Porter le brassard, c’était une responsabilité, mais aussi une reconnaissance. J’étais cette petite fille d’Accra qui vivait son rêve. »
Toujours au service du maillot
Elle raccroche les crampons en 2011 mais ne quitte jamais vraiment la sélection. Aujourd’hui, elle est intendante de l’équipe. Un rôle de l’ombre, mais stratégique. « Je m’assure que tout le matériel est prêt : maillots, équipements d’entraînement, cônes… Il n’y a pas de place à l’erreur. L’organisation, c’est la base. »
Chaque matin, elle installe les ballons et les plots sur le terrain avec la même rigueur qu’autrefois sur la pelouse. Peu bavarde, elle préfère laisser son travail parler pour elle. Dans le groupe, chacun sait qu’une absence ou un oubli coûte cher. « Cela renforce la discipline », sourit-elle.
Transmettre et regarder grandir
Voir cette CAN 2024 se dérouler au Maroc, plus de 25 ans après sa première participation, lui inspire un mélange d’émotion et de fierté. « Nous avons ouvert la voie. Nous avons rampé pour qu’elles puissent courir. Aujourd’hui, elles ont toutes les conditions pour briller. La compétition a énormément évolué. » Elle note aussi les progrès sur le plan organisationnel et financier : « Le prize money atteint maintenant 1 million de dollars. C’est énorme pour le développement du football féminin. »
Un regard tourné vers demain
Le Ghana, logé dans un groupe relevé avec l’Afrique du Sud, le Mali et la Tanzanie, a démarré sa campagne par une défaite logique face aux tenantes du titre sud-africaines (0-2). Mais rien n’est encore joué. Ce jeudi 11 juillet, les Black Queens affrontent les Maliennes dans un duel ouest-africain qui s’annonce décisif.
Dans les vestiaires comme en bord de terrain, Bayor veille. Silencieuse, mais présente. Témoin du passé, garante de l’héritage et, sans doute, toujours l’une des premières à s’assurer que chaque maillot rouge, jaune et vert est à sa place.