Les images de Absa Faye, deuxième femme du Président Diomaye Faye, aux côtés de sa sœur Oumy, épouse de Me Oumay Youm, figure importante de l’APR et ancien ministre de Macky Sall, a déclenché une vive polémique. Beaucoup, surtout dans les rangs de Pastef (au pouvoir), ne voient pas d’un bon œil cette proximité affichée au cœur de la délégation présidentielle, lors de la visite du chef de l’État à Touba en prélude au Magal. L’Observateur a recueilli les avis d’un sociologue (Abdoulaye Cissé), d’un communicant (Fernand Mendy) et d’un politologue (Assane Samb).
Pour Abdoulaye Cissé, «la frontière entre vie privée et pouvoir est extrêmement fragile dans l’imaginaire sénégalais. Les épouses de Président sont perçues comme des actrices de l’ombre, capables d’influencer les grandes décisions politiques». S’appuyant sur l’expression «wax taan ak sama njégenaay» (littéralement discuter avec mon oreiller, en wolof), le sociologue avance que la première dame est la première confidente du Président.
Au sujet du cas Absa et Oumy Faye, Cissé avance deux hypothèses : «Soit elles étaient déjà proches avant l’accession au pouvoir de leurs beaux-frères, rendant leur apparition naturelle; soit cette proximité est récente, et la présence d’Oumy Faye soulève alors des questions légitimes, compte tenu de son lien avec Me Oumar Youm».
Pour l’interlocuteur de L’Observateur, cette affaire symbolise «des tensions entre valeurs républicaines et dynamiques familiales, dans un contexte marqué par la demande de justice, notamment pour les 86 morts survenus entre 2021 et 2024».
Spécialiste en communication publique, Fernand Mendy, estime pour sa part que «les critiques concernant la présence de Oumy Faye dans la délégation présidentielle ne sont pas infondées : elles traduisent une vigilance populaire légitime, surtout envers un régime élu sur la promesse de rupture avec les pratiques familiales du passé».
Le communicant croit savoir que la photo ravive «une mémoire collective douloureuse, marquée par les dérives de gouvernements précédents, où le pouvoir a souvent été perçu comme une affaire familiale». Il insiste sur «la nécessité pour la présidence [d’adopter] une communication claire, anticipée et transparente; chaque apparition officielle et chaque accompagnant symbolisant l’image de la République».
L’analyste politique Assane Samb tempère. Il juge la polémique « ridicule et dangereuse». «Absa Faye est libre de ses fréquentations, surtout en l’absence de statut officiel de Première dame. Seul le président est responsable de son entourage, et focaliser sur ses proches constitue un moyen détourné de fragiliser le pouvoir», affirme Samb.
Selon lui, la diabolisation excessive de la famille présidentielle pourrait, paradoxalement, renforcer la sympathie du public envers le couple présidentiel. De plus, prévient le politologue, «le clanisme et l’obsession de chercher la trahison là où il ne s’agit que de liens familiaux normaux nuisent au débat politique».