Le football écrit souvent ses histoires les plus captivantes lorsque la jeunesse ose défier l’histoire. C’est ce qui se jouera mardi soir à Kampala, lorsque le Sénégal, tenant du titre et équipe la plus jeune du CHAN 2024, affrontera le Maroc, double vainqueur et l’une des sélections les plus expérimentées du tournoi.
Le Stade National Mandela, rempli de dizaines de milliers de fans d’Afrique de l’Est, sera le théâtre d’une demi-finale opposant deux philosophies bien distinctes : la cohésion et la maturité tactique du Maroc face à l’énergie et au renouveau du Sénégal.
Pour le continent, il s’agit d’un duel de poids lourds entre les vainqueurs des trois dernières éditions — le Maroc en 2018 et 2020, et le Sénégal en 2022.

Des parcours contrastés jusqu’à Kampala
Le parcours du Sénégal a été marqué par une phase de transition. Aucun joueur de l’effectif ne joue en Europe, et seul Serigne Moctar Koïté a participé à l’édition 2023.
Pourtant, sous la houlette de l’entraîneur Souleymane Diallo, l’équipe a retrouvé une identité grâce à la discipline et à une foi inébranlable dans le talent local.
Trois buts en quatre matchs ont suffi, construits sur une défense de fer qui n’a concédé qu’un seul but depuis le début du tournoi.
Diallo connaît les enjeux mais insiste sur le fait que ses joueurs écrivent une nouvelle page.
« C’est une jeune génération prête à écrire sa propre histoire. Nous allons affronter une équipe marocaine avec des statistiques très solides, mais il ne faut pas sous-estimer le travail réalisé au Sénégal. Aujourd’hui, nous présentons l’équipe la plus jeune de cette compétition.»
Le Maroc, de son côté, suit un parcours plus familier. Ayant voyagé entre les trois pays hôtes — Tanzanie, Kenya et Ouganda —, les Lions de l’Atlas s’appuient sur leur expérience des tournois, leur sang-froid et leur équilibre tactique.
L’attaquant Oussama Lamlaoui a marqué lors de trois matchs consécutifs, tandis que le meneur de jeu Youssef Mehri est le meilleur passeur de la compétition.
L’entraîneur Tarik Sektioui résume l’état d’esprit :
« Demain, nous avons un match très important contre une équipe qui a mérité sa qualification. Ce ne sera pas facile ; ce sera un match très, très difficile. Notre objectif reste de remporter ce trophée en 2024, même avec le Sénégal en demi-finale. »

Le Maroc et son héritage de domination
Les chiffres confirment la stature du Maroc. L’équipe a remporté cinq matchs consécutifs contre des adversaires ouest-africains au CHAN depuis 2016, inscrivant 17 buts et n’en concédant que 7.
Dans ce tournoi, elle a déjà marqué 9 buts, tiré le plus grand nombre de fois au but parmi les demi-finalistes (29) et pourrait devenir la première sélection à atteindre trois finales en six ans.

Sektioui estime que la force du groupe réside dans la cohésion collective, même en l’absence de certains défenseurs clés.
« Nous sommes prêts à relever tous les défis avec détermination et force. Chaque joueur joue un rôle important et travaille dur pour surmonter les difficultés. La préparation et l’attention aux détails seront décisives pour ce match. »
Pour le milieu de terrain Khalid Baba, l’état d’esprit est limpide :
« Notre mentalité est celle d’un groupe professionnel, responsable, qui sait qu’il doit tout donner pour gagner. La victoire ne vient pas par hasard ; elle se mérite, et nous avons la responsabilité de représenter le Maroc et le football marocain. »

La solidité défensive du Sénégal
Le Sénégal, pour sa part, est passé maître dans l’art du réalisme. Il a atteint le dernier carré sans encaisser de but lors de ses trois derniers matchs à élimination directe, remportés 1-0 à chaque fois dans le jeu.
Le gardien Marc Diouf, auteur de cinq arrêts contre l’Ouganda en quart de finale, incarne cette résilience calme.
L’approche est pragmatique mais efficace. L’équipe de Diallo tend à économiser ses forces en première période avant de frapper après la pause — les trois buts marqués jusqu’ici sont tous venus en seconde mi-temps.
L’attaquant Oumar Ba, buteur décisif face à l’Ouganda, promet de se battre dans l’unité :
« Nous savons que ce ne sera pas facile, mais nous allons tout donner sur le terrain. Nous sommes unis, et c’est très important. Je promets que nous allons nous battre pour atteindre la finale. »

Un choc de générations et de philosophies
Ce qui rend cette demi-finale unique, ce n’est pas seulement la qualité des équipes mais les modèles de réussite opposés. Le Maroc incarne la continuité : un système qui a formé des champions, fidèle à une structure footballistique bien établie.
Le Sénégal incarne le renouveau : une jeunesse assumée, des joueurs locaux, et le courage d’affronter les géants malgré leur inexpérience.
Diallo a lancé un appel aux supporters :
« Je voudrais adresser un message à tout le peuple sénégalais : nous vous demandons de nous suivre, de soutenir notre équipe, et de nous motiver pour obtenir le meilleur résultat possible dans cette compétition.»
L’enjeu est de taille. Une victoire permettrait au Sénégal de devenir seulement la deuxième équipe à défendre son titre au CHAN, tandis que le Maroc pourrait entrer dans l’histoire avec une troisième finale en six ans.

À quoi s’attendre à Kampala
Le Stade Mandela offrira le cadre d’un affrontement où les marges seront probablement très fines. Lamlaoui à la recherche d’un quatrième but consécutif, Diouf déterminé à garder une nouvelle cage inviolée ; un moment de sang-froid pourrait tout décider.
Mais au-delà de la tactique, c’est un affrontement identitaire : la structure et l’expérience de l’Afrique du Nord face à la jeunesse et à l’audace de l’Afrique de l’Ouest.
Alors que le football africain continue de croître, le choc entre le Maroc et le Sénégal au CHAN 2024 représente bien plus qu’une demi-finale : c’est une confrontation symbolique de deux visions de la réussite.
Quelle que soit l’issue, Kampala s’apprête à accueillir un classique.