Dans une note parvenue à Seneweb ce lundi 21 juillet, le président du mouvement AGIR- Les Leaders, Thierno Bocoum, apporte sa solidarité au chroniqueur Badara Gadiaga, inculpé le lundi 14 juillet par le doyen des juges d’instruction pour discours contraires aux bonnes mœurs et diffusions de fausses nouvelles, entre autres…
Il affirme qu’il est des gestes qui marquent une vie et des pas qui résonnent bien au-delà des trottoirs qu’ils foulent. Le 23 janvier 2012, devant les grilles du palais de la République, une poignée de jeunes décida d’abréger les détours et de regarder le pouvoir droit dans les yeux, parmi eux, un nom reste gravé : Badara Gadiaga.
« Un rappel implacable que certains combats ne vieillissent pas, parce qu’ils ont été menés debout, avec dignité», déclare-t-il.
«À l’époque, chaque 23 du mois, l’opposition organisait une manifestation pour dire non au troisième mandat du président Abdoulaye Wade. La date du 31 janvier 2012 marquait la septième mobilisation, après celle du 23 juin. L’opposition scandait, le pouvoir déroulait. Une sorte de théâtre démocratique sans écho. Les discours s’enchaînaient sur des podiums, la sono rugissait, mais rien ne bougeait», raconte-t-il.
Avant de poursuivre : «Nous, les plus jeunes, étions convaincus que cette méthode ne portait plus. Ce n’était ni l’âge ni l’expérience qui nous faisaient défaut, mais l’intuition radicale qu’il fallait aller plus loin. Être plus près, plus audible, plus frontal. Il fallait parler à l’oreille du président. À la veille de ce 31 janvier, en ma qualité de responsable national des jeunes, j’ai réuni un cercle restreint de camarades, dont Badara Gadiaga.»
«L’idée était de manifester directement devant les grilles du palais de la République. Là où le pouvoir ne peut faire semblant de ne pas entendre. Là où l’on n’attend pas le président, mais où on le devance. L’idée était risquée. Le palais est la zone la plus verrouillée du territoire, mais c’est précisément pour cela qu’il fallait y être. Nous savions que notre simple présence devant ces grilles serait un cri que personne ne pourrait étouffer », a dit M. Bocoum.
« Ce matin-là, en entrant dans la salle, on m’informa qu’un bon nombre de jeunes étaient déjà présents. Je les retrouvai, tous assis, l’air curieux, certains impatients. Je pris place debout, derrière une table, les tracts posés devant moi comme des manifestes. Je levais les yeux et lançais d’une voix ferme, sans détour : Il ne s’agit pas d’une réunion. Nous allons manifester devant les grilles du palais. Badara, d’autres et moi avons quitté la salle. Nous avons laissé derrière nous les hésitations et les promesses. Direction l’hôpital Principal, point de ralliement discret avant l’assaut symbolique. On nous fit signe : le groupe était prêt. On pouvait apercevoir ces fils et filles dignes qui avaient résolument décidé de porter un message de liberté et de démocratie devant les grilles du palais de la République », s’est remémoré l’ancien militant du parti Rewmi.
«Je descendis de la voiture et me dirigeai droit vers la grille centrale du palais. À ma droite, Badara au pas sûr, le regard fixe. Arrivés face au garde rouge de service, nous avons avancé vers les grilles et avons brandi nos tracts. En quelques minutes, des dizaines et des dizaines de personnes nous ont rejoints. La foule grossissait. Les forces de l’ordre, surprises, se ruèrent sur nous. Matraques, insultes, brutalités, tout était bon pour étouffer la révolte», a-t-il poursuivi.
«Repoussés par la violence, nous avons poursuivi la marche dans Dakar en passant par Sandaga. Arrivée au rond-point de la Médina, la presse nous rattrape. Je prends la parole. Je n’irai pas loin. La police surgit et je suis arrêté, avec quatre autres personnes. Nous fûmes conduits d’abord au commissariat de Rebeuss, puis transférés au commissariat central où l’on nous interrogea. Sans explication, on nous dirigea ensuite vers le commissariat de Bel-Air. C’est là, dans une cellule exigüe, que nous avons passé la nuit. Le lendemain, retour au central. En fin de journée, nous fûmes relâchés», a rappelé le leader du parti AGIR.
« Aujourd’hui, Badara est injustement emprisonné, mais qu’ils sachent tous une chose : ce qu’il a toujours défendu, c’est l’État de droit. Ce qu’il a toujours incarné, c’est la dignité d’un combat juste. Ce qu’il a semé ce jour-là devant les grilles du palais, c’est une graine que la peur ne pourra jamais étouffer. L’Histoire finira toujours par reconnaître ceux qui, un jour, ont osé se tenir debout là où d’autres baissaient les yeux », a témoigné l’ancien parlementaire.