Le 12 août 2025, la Chambre d’accusation financière de la Cour d’appel de Dakar a rendu l’arrêt n°62, accordant la liberté provisoire à Lat Diop, ancien directeur général de la Loterie nationale sénégalaise (LONASE), poursuivi pour détournement de deniers publics, blanchiment de capitaux et extorsion de fonds. Après près d’un an de détention provisoire depuis septembre 2024, la Chambre a opté pour une assignation à résidence sous surveillance électronique, rejetant une libération sans condition. Cependant, le procureur général a fait appel, maintenant Lat Diop en prison dans l’attente de la décision de la Cour suprême.
Retour sur les faits
L’affaire a débuté avec une plainte de Mouhamed Dieng, directeur de Services Online International SA (exploitant 1XBET), accusant Lat Diop d’avoir instauré un système opaque de redevances entre 2021 et 2023. Selon Dieng, l’ex-DG aurait augmenté la redevance contractuelle de 18 % à 30 %, reversant 18 % à la LONASE et empochant personnellement les 12 % restants, soit plus de 8,2 milliards FCFA. S’ajoutent des soupçons de non-reversement de 381 millions FCFA de droits de timbre, la découverte de 694 millions FCFA sur ses comptes bancaires et un patrimoine jugé disproportionné, incluant immeubles, sociétés et un bateau de plaisance. Lat Diop nie ces accusations, affirmant que ses relations avec 1XBET étaient professionnelles et que son patrimoine résulte de plus de 20 ans de carrière au ministère des Finances.
Une bataille procédurale acharnée
Depuis son inculpation en septembre 2024, Lat Diop, défendu par Mes Cheikh Amadou Ndiaye, Seydou Diagne, Baboucar Cissé, Alioune Badara Fall, Souleymane Soumaré et autres, a multiplié les recours. Une première demande de liberté provisoire, rejetée en février 2025 par le juge d’instruction financier, a été suivie d’une décision favorable de la Chambre d’accusation en mars 2025, ordonnant une assignation à résidence avec bracelet électronique. Cette décision a été annulée par la Cour suprême en juin 2025. En juillet 2025, une nouvelle demande a été rejetée, mais en août, la défense a saisi à nouveau la Chambre d’accusation, contestant la qualification de détournement. La défense argue qu’aucune plainte n’émane de l’État ou de la LONASE, qu’aucun manquant n’est constaté dans les comptes de la société, que les fonds de 1XBET ne sont pas des deniers publics après répartition, et que le rapport d’expertise comptable du 9 mai 2025 est entaché d’irrégularités, notamment par l’absence de contradictoire et des conclusions prématurées. En revanche, le parquet financier et l’Agent judiciaire de l’État (AJE) soutiennent que les fonds détournés sont des deniers publics, que le système de redevance parallèle a permis un enrichissement personnel, et que des risques de collusion avec un témoin clé (l’ancien chauffeur) et de disparition de preuves justifient le maintien en détention.
Motivation de la décision
Dans son arrêt n°62, la Chambre d’accusation a jugé que les contestations sur le détournement de deniers publics sont « très sérieuses », comme déjà relevé en mars 2025. Elle a estimé que le rapport d’expertise, incomplet et non contradictoire, ne parvient pas à lever ces doutes. Toutefois, en raison de l’instruction en cours et du risque de pression sur les témoins ou de disparition de preuves, la Chambre a écarté une libération pure et simple. Invoquant l’article 138-7 du Code de procédure pénale, elle a opté pour une assignation à résidence avec bracelet électronique comme alternative à la détention.