C’est l’effigie d’un homme dont la noblesse ne laisse personne indifférent. Un aristocrate mystique qui séduit de par un cocktail de finesse et d’élégance, une dose de charisme et d’éloquence, un timbre de voix magnifique, un verbe si authentique et si lyrique. Lyrisme justifié par lui même dans Fa Ileyka : « J’ai fortifié mon âme de toute expression lyrique, car seul le lyrisme peut résister au temps » (fata zawwadate nafsii bi koulli badii âtine, wa badaa i î tabqa alal azmaanii).
Il arrive qu’un legs puisse être attribué à l’élan de la noblesse de l’étoile de Médine (psl). Noblesse qu’Al’Maktoum, dont lui même est le dépositaire, nous peint en ces termes : « le verbe sublime est délicat lui est assigné. Mais c’est l’action rénovatrice qui lui sert de véhicule. » Bien que dédié au Prophète (psl), ces propos de l’absent le plus présent trouvent leurs sens dans son geste lui-même. Sa voix retenti encore dans les cœurs de ses contemporains, et sa pensée qui résiste aux vicissitudes du temps a finit par faire naître un slogan, le fameux « Serigne Cheikh waxoone nako » (Serigne Cheikh l’avait prédit). Nous vivons dans une société moralement polluée. Pollution morale amplifiée par un attachement sans faille au passé. Il suffit que le vicaire ne soit plus de ce monde pour que l’on se permette de faire les éloges de ses moindres propos.
Au Sénégal, un homme, de son vivant, ne peut nullement revendiquer un quelconque vicariat. Même le sénégalais qui se considère comme étant disciple d’un guide religieux préfère vivre le passé plutôt que de faire un retour à la source. A cela s’ajoute les esprits butés, ces chercheurs de conditions nouvelles qui « exportent les pratiques du monde arabe », et qui veulent corriger tout le monde, ignorant cette prophétie de Serigne Cheikh Tidiane Sy : « le mérite de l’envoyé de Dieu (psl), c’est de n’avoir pas désigné les versets coraniques par le concept de Qouraichiyoune et de n’avoir pas traité les musulmans de Mouhammadiyoune »…. »l’islam est plus déiste que Mahométan », rajoute t-il dans islam et monde occidental, publié en 1994. Les réseaux sociaux pullulent de propos d’impenitents qui s’en prennent aux guides religieux de ce pays, mais il leur faut encore plus de rigueur et moins de paresse intellectuelle pour se tirer d’affaire. Ce qui, heureusement, ne risque pas d’arriver.
Al Maktoum est une chance pour le Sénégal et, partant, pour la conscience universelle. Un personnage atypique qui n’a d’yeux que pour la grâce de tout ce qui existe. Une incarnation de tous les saints, mais aussi et surtout un homme qui a su marquer son temps parce que trop en avance sur son époque. Ses dires considérés jadis comme « audacieux » par d’aucuns sont devenus « légitimes » pour tous. Il a lui même eu à saisir cet aspect de la chose. Et cette assertion qu’il adressait aux chefs d’armées du continent noir conviendrait parfaitement aux ignorants de nature et exigeants sans mesure aucune : « On ne vous demande pas d’être légitimistes avant que la légitimité ne soit accordée. » Légitimité qui, de jour en jour, donne l’impression que le glas a été sonné. Les cinq dernières années de sa vie attestent d’un attachement sans faille à sa philosophie, avec comme dicton « negne sangue reew mi » (il faut laver ce pays là). Oui, le laver, pendant qu’il est temps, et pour un ressourcement purificateur ! Cette façon pour la majorité des sénégalais de s’être tous intéressés, de façon inattendue pour ses inconditionnels, à sa pensée, rappelle les derniers jours du Prophète (psl). La Sourate Al Fathi (la victoire) du Coran, avec ce qu’elle a attribué comme bienfaits à l’apôtre de Dieu (psl), a laissé inquiet Aboubakr. Pour lui, s’il bénéficie d’une grâce à cette image, c’est parce qu’il est sur le point de quitter ce monde. Et l’histoire de se répéter tel le soleil qui se lève comme par enchantement, imbu qu’il est de sa mission en tant que création du tout puissant.
Beaucoup se penchent aujourd’hui sur les enseignements d’Al Maktoum, mais sa pensée, quant à elle, nécessite une rigueur intellectuelle sans faille. A l’image du Coran, elle ne sert qu’à ceux qui font l’objet d’une constance inouïe. A cela s’ajoute un intérêt tourné vers la réflexion, mais aussi et surtout la psychologie des profondeurs. Une âme fortifiée, un esprit lucide et clairvoyant, un intellect immunisé contre la crise de perception, une intuition que rebute les vicissitudes de cette époque et une conscience qui distingue l’essentiel de l’accessoire, tels sont les fruits de l’arbre qu’est sa pensée. Heureusement, elle a pour racine aujourd’hui un Responsable Moral, celui là dont la dimension intellectuelle fait encore valser les versets du Coran, séduits qu’ils sont par la maîtrise que l’homme a des paroles du divin, mais aussi et surtout de la philosophie du Tribun de Tivaouane.
Maam Cheikh Chroniqueur
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