Lors de l’installation du Conseil national de son parti, jeudi dernier, le président du Pastef, Ousmane Sonko, a évoqué la possibilité de reprendre son siège de député. Le Premier ministre avait en effet déclaré que si le Président Diomaye Faye, principale cible de ses attaques ce jour-là, le limogeait, il renouerait avec son mandat qu’il avait suspendu, après son installation en tant que député, pour rester chef du gouvernement. Mais pour nombre de spécialistes des questions parlementaires, cette volonté du leader des Patriotes se heurterait à plusieurs obstacles.
Récemment, l’Assemblée nationale a adopté un nouveau Règlement intérieur. Celui-ci, en son article 124, stipule que la suppléance d’un député ayant suspendu son mandat, pour siéger en Conseil des ministres, «cesse au plus un mois après la fin des fonctions du membre du gouvernement concerné, sauf en cas de renonciation écrite irrévocable. Le député qui retrouve ainsi son siège est réintégré par le bureau de l’Assemblée nationale».
Cependant, signale dans Les Échos et L’Observateur Babacar Gaye, ancien président du groupe Libéral et démocratique, Sonko ne pourrait pas profiter de cette disposition. «La loi ne dispose que pour l’avenir, elle n’a point d’effet rétroactif, souligne-t-il. […] Pour qu’il puisse bénéficier des nouvelles dispositions de la loi, il eût fallu que le président de la République le reconduise officiellement et postérieurement à son installation comme député.»
Gaye rappelle dans L’Observateur «qu’après son élection [comme député], Ousmane Sonko n’avait pas démissionné de son poste de Premier ministre pour être reconduit. Sa nomination précède son élection». Abdou Mbow du groupe Takky-Wallu (opposition), dans les mêmes colonnes, appuie : «La loi n’était pas encore votée, donc juridiquement son retour automatique à l’Assemblée nationale est incertain.»
«Le mécanisme de retour prévu par la nouvelle loi concerne les députés élus puis nommés ministres, pas ceux élus alors qu’ils exercent déjà une fonction incompatible», complète l’ancien député Théodore Monteil, toujours dans L’Observateur.
Le cinquième vice-président de l’Assemblée nationale, Amadou Bâ (Pastef), n’est pas de ces avis. Pour lui, la voie est dégagée pour un retour de son leader au Parlement s’il n’est plus Premier ministre. «Il a suspendu son mandat de député, comme le prévoit désormais le nouveau règlement intérieur. Il pourra le retrouver une fois son départ du gouvernement acté.»
Mais Ousmane Sonko risque d’être confronté à un autre écueil : la possibilité qu’il soit radié à la suite de la confirmation de sa condamnation pour diffamation dans le différend qui l’oppose à Mame Mbaye Niang. «Tout député condamné pénalement peut être radié sur demande du ministre de la Justice, rappelle l’expert électoral Ndiaga Sylla, repris par L’Observateur. Dans cette hypothèse, […] l’incompatibilité ne se poserait même plus. Ce serait une inéligibilité pure et simple.»
À ceux qui invoque la loi d’amnistie pour tracer une voie de contournement du rejet du rabat d’arrêt du leader de Pastef, l’ancien député Alioune Souaré oppose l’article 61 de la Constitution : «Il prend le dessus sur la loi d’amnistie, qui est une loi ordinaire. Et dès lors que le rabat d’arrêt est rejeté par la Cour suprême, l’article 61 s’applique à lui et il subit le même sort que Barthélémy Dias et perd son mandat. Mais cette perte de mandat ne sera constatée par l’Assemblée nationale que sur demande du ministre de la Justice.»