Il y a des silences qui honorent les morts. Et il y a des bruits qui les enterrent une seconde fois.
Depuis l’annonce du décès brutal de Ndeye Awa Niang, alias Eva Séduction, le 15 août 2025, une vague d’agitation s’est emparée des réseaux sociaux, notamment de TikTok. Au lieu du recueillement, au lieu de l’hommage, ce sont les clashes, les piques, les “lives” de trop, les vocaux fuités et les règlements de comptes publics qui dominent.
On aurait pu penser qu’une tragédie de cette ampleur provoquerait une pause, une remise en question. Mais non. Certains continuent d’instrumentaliser la mort comme ils instrumentalisent la vie : pour du buzz. Adama, Mami Cobra, Rox, Mame Ndiaye Savon, Mame Walo, Awoush Kitty… et tant d’autres figures de ce “TikTok sénégalais” s’enlisent dans les querelles et les accusations, comme si la disparition d’une des leurs n’était qu’un épisode de plus dans une téléréalité sans fin.
Et la question se pose : à quel prix ? À quel prix brise-t-on la dignité d’une défunte ? À quel prix piétine-t-on la douleur d’une famille, d’une mère, d’amis ? À quel prix transforme-t-on le deuil en spectacle ?
La vérité, c’est que TikTok au Sénégal est devenu un miroir brisé de nos dérives collectives. Derrière l’écran, tout est permis : outrages, insultes, “exposés”, ragots mis en scène pour récolter des vues et des likes. On ne crée plus, on consomme du drame. On ne partage plus, on exhibe. La culture du clash a remplacé la culture du respect.
Or, une société qui ne sait plus se taire devant la mort est une société qui a perdu le sens du sacré.
Eva Séduction méritait au moins ce minimum : qu’on laisse ses proches pleurer en paix.
Ceci n’est pas un procès, mais un appel. Appel à réfléchir sur ce que nous faisons de ces plateformes, sur ce que nous devenons quand tout se transforme en contenu. Peut-être qu’il est temps de demander : et si, au lieu de courir après les vues, on apprenait à avoir de la tenue ?