En ce mois de mars dédié aux femmes, Wiwsport leur consacre une place de choix. Chaque jour, retrouvez des portraits, interviews et récits inspirants de celles qui font briller le sport. Pour inaugurer cette rubrique, nous rendons hommage à une légende : Kène Ndoye, une combattante sur la piste comme dans la vie.
Elle fait partie des légendes des pistes au Sénégal, aux côtés d’Amadou Dia Ba et d’Amy Mbacké Thiam. Aujourd’hui, Kène Ndoye complète ce prestigieux podium, celui des figures emblématiques qui continuent d’inspirer les générations futures.
L’ascension fulgurante d’une championne
C’est aux Championnats d’Afrique de 1996 à Yaoundé que Kène Ndoye s’est révélée au grand public. À seulement 18 ans, elle marque les esprits en décrochant deux médailles : l’or au triple saut et le bronze au saut en longueur. Une entrée fracassante dans le haut niveau qu’elle confirmera au fil des années.
En 1998, lors des Championnats d’Afrique organisés à Dakar, elle termine troisième au triple saut, un exploit qu’elle réédite en 1999 aux Jeux africains de Johannesburg. Son palmarès s’étoffe rapidement : double championne d’Afrique du triple saut en 2000 (Algérie) et 2004 (Brazzaville), elle s’illustre également sur la scène mondiale. En 2003, aux Championnats du monde en salle de Birmingham, elle décroche une médaille de bronze au triple saut, une performance historique pour le Sénégal.
Cette même année, elle domine les Jeux africains d’Abuja, terminant première au triple saut. L’année suivante, elle se hisse à la sixième place des Jeux olympiques d’Athènes, avant de rééditer cet exploit aux Mondiaux de 2003 à Paris et en 2005 à Helsinki. Son ultime grande compétition internationale sera les Jeux africains de Maputo en 2011, où elle décroche une médaille d’argent au triple saut.
Avec une douzaine de médailles à son actif, Kène Ndoye détient un record inégalé et reste la référence absolue du saut en longueur et du triple saut au Sénégal.
Un combat loin des pistes : la maladie et la dignité
Mais derrière ces exploits, un autre combat s’est imposé à elle, bien plus rude que ceux qu’elle livrait sur les pistes. Kène Ndoye souffrait d’une polyarthrite rhumatoïde et polymyosite, une maladie dégénérative qui attaque muscles et articulations. Malgré les douleurs et les difficultés financières qui l’accompagnaient, elle a tenu bon, refusant de se laisser abattre.
Dans une interview poignante, elle déclarait. “Quand j’avais la force pour courir, je le faisais très bien. Donc je rends grâce à Dieu qui ne m’a plus donné cette force. Je remercie ma mère pour la bonne éducation qu’elle m’a inculquée, parce que je suis digne. Je ne tends la main à personne.” Des mots puissants qui illustrent la force mentale d’une femme qui, même affaiblie physiquement, est restée debout par la seule puissance de sa volonté.
L’héritage de Kène Ndoye : un appel à l’action
Au-delà de sa carrière et de son combat personnel, la disparition de Kène Ndoye à 44 ans dans la nuit du 13 au 14 février 2023 a remis sur la table un débat crucial : le statut du sportif de haut niveau au Sénégal. Son histoire symbolise une réalité douloureuse pour de nombreux athlètes sénégalais : une reconnaissance éclatante pendant la carrière, mais une précarité alarmante une fois les projecteurs éteints. Depuis des années, la promesse d’un statut protecteur pour les sportifs de haut niveau reste lettre morte. Après son décès, le débat a refait surface, mais il peine encore à se concrétiser en actions.
Lors de sa prise de fonction en avril 2024, la ministre des Sports, Khady Diène Gaye, avait pourtant inscrit dans ses priorités l’accompagnement des sportifs pendant et après leur carrière, avec notamment :
- La mise en place d’une mutuelle pour les athlètes
- L’élaboration d’un plan de reconversion des sportifs de haut niveau
- L’adoption du statut du sportif de haut niveau
Des engagements nécessaires, mais qui, pour l’instant, restent au stade de promesses. Un centre médical pour les sportifs de haut niveau au nom de Kene Ndoye serait par exemple un début de concrétisation des promesses.
Une leçon de vie gravée à jamais
Kène Ndoye n’était pas seulement une athlète d’exception. Elle était une combattante, une femme dont la dignité, la résilience et le courage forcent l’admiration. Championne sur la piste, elle l’a été aussi dans la vie, affrontant l’adversité avec une force rare. Son histoire doit être plus qu’un souvenir, elle doit être un tournant. Honorer sa mémoire, c’est enfin transformer cette promesse de reconnaissance en réalité pour les générations futures. Parce qu’au-delà des médailles, des podiums et des records, c’est le respect dû aux légendes qui façonne l’avenir du sport sénégalais.