Et si l’influence se mesurait aussi en laboratoires et en bibliothèques ? En lançant l’ambition de faire du Sénégal un hub académique africain, le président Diomaye Faye engage une bataille moins visible que celle des infrastructures ou des équilibres budgétaires mais tout aussi déterminante, celle de la souveraineté intellectuelle.
Le projet repose sur une réforme de fond de l’enseignement supérieur, pensée comme levier stratégique de transformation économique et géopolitique. L’objectif n’est pas seulement d’améliorer l’accès à l’université ou de moderniser les campus. Il s’agit de repenser l’écosystème tout entier en plaçant la recherche scientifique, l’innovation technologique et la coopération régionale au cœur du développement.
Le chef de l’État appelle à une restructuration autour de quatre axes majeurs : un financement pérenne et transparent, une numérisation des infrastructures pédagogiques, le développement de partenariats public-privé ambitieux et une intégration renforcée au sein des espaces académiques ouest-africains. Car l’enseignement supérieur, longtemps perçu comme une simple variable sociale, devient ici un instrument de projection continentale.
La volonté affichée est limpide. Faire émerger un pôle d’excellence à même d’attirer les talents africains, freiner l’hémorragie des cerveaux et positionner le Sénégal comme un centre de production de savoirs au sud du Sahara. À rebours d’une logique où les standards et la légitimité scientifique restent dominés par les universités du Nord, il s’agit de créer une cartographie nouvelle à l’image des aspirations postcoloniales du pays.
Mais cette ambition se heurte à des contraintes bien réelles. Manque de laboratoires, sous-financement chronique des universités, taux d’encadrement insuffisant, précarité étudiante, déconnexion entre la formation et les besoins du marché du travail. En 2023, le budget alloué à l’enseignement supérieur représentait environ 2,1 % du PIB sénégalais, loin des 4 % recommandés par l’UNESCO pour enclencher un véritable saut qualitatif.
C’est donc un chantier de long terme qui suppose non seulement des ressources mais une volonté politique constante, capable de dépasser les effets d’annonce. En inscrivant cette ambition dans une logique régionale à travers l’UEMOA, la CEDEAO ou l’Union africaine, le président Diomaye Faye entend faire de la diplomatie universitaire un levier d’influence douce à la croisée du savoir, de la souveraineté et de la compétitivité.
Dans un monde où les batailles de demain se joueront aussi sur le terrain des idées, des technologies et des brevets, le pari académique du Sénégal pourrait bien se révéler un marqueur d’émancipation profonde. Il ne s’agit plus seulement de former pour insérer mais de former pour peser.