Une affaire de harcèlement sexuel a été jugée hier, lundi, au tribunal des flagrants délits de Dakar. Le dossier incrimine P.M.T., industriel et directeur général d’une société de la place. Le prévenu, qui a comparu libre, est accusé par son ancienne employée, A.S.
Selon les éléments de l’enquête, le 2 septembre 2025, la brigade Dakar-ville a reçu une plainte déposée par Me Abdou Dialy Kane, agissant pour le compte de Mme A.S., à l’encontre de M. P.M.T., pour harcèlement sexuel et voies de fait. La plaignante explique avoir été employée de l’entreprise dirigée par le prévenu en qualité de responsable des opérations, avec un salaire mensuel d’un million de FCFA. Elle a démissionné après seulement quatre mois (d’avril à juillet 2024) en raison du harcèlement moral et sexuel qu’elle dit avoir subi de la part de son employeur.
Selon A.S., près d’un an après son départ, son ex-employeur a porté plainte contre un client pour un contentieux financier, en la citant comme témoin. À la sortie d’une audition à la Sûreté urbaine, P.M.T. l’a invitée à le rejoindre le soir même dans sa voiture, garée au bas de leur immeuble. Il lui aurait alors indiqué qu’une seconde plainte allait la concerner, prétendant avoir découvert des malversations financières commises par elle après son départ. Il a ajouté avoir consulté son avocat et le procureur de la République, affirmant qu’elle « n’en sortirait pas libre » s’il déposait la plainte. Toutefois, la procédure pourrait être « stoppée » si elle acceptait de revenir travailler dans son entreprise et d’être « plus intime » avec lui.
La plaignante rappelle que les raisons de son départ étaient déjà liées à des faits de harcèlement. Malgré cela, P.M.T. lui a proposé un poste de directrice générale dans son usine. « N’ayant pas les compétences en la matière, je lui ai demandé si ce choix était judicieux. Il m’a répondu qu’il avait besoin d’une personne de confiance, car j’avais travaillé avec son grand frère durant quatre ans », a-t-elle déclaré. Mais le prévenu a insisté, estimant qu’elle était le profil idéal pour le poste. Il a même demandé à son associé de préparer son dossier de nomination. Cependant, le jour de la réunion censée officialiser sa promotion, il a demandé à ce dernier d’attendre.
Le lendemain, P.M.T. est revenu sur sa promesse, expliquant qu’il ne pouvait donner ce poste à une personne dont il n’était pas proche. Il lui a alors proposé une relation amoureuse en échange de la nomination, ce qu’elle a poliment refusé. Son ancien employeur lui a conseillé de réfléchir. L’homme est revenu à la charge en lui promettant de lui acheter un véhicule de son choix. A.S. dit être restée ferme dans son refus. Face à cette situation, elle a décidé de quitter la société pour chercher un autre emploi et a démissionné le 9 août 2025.
Informé de son départ, P.M.T. a tenté de la convaincre de rester, mais sans succès. Quelque temps plus tard, il se serait rendu sur son nouveau lieu de travail et l’aurait appelée d’un numéro inconnu pour lui demander de descendre. Il se serait alors renseigné sur son nouveau poste et son salaire avant de lui suggérer de revenir dans son entreprise, « désormais en pleine production », expliquant qu’elle pourrait l’aider à recouvrer certaines créances.
Selon toujours A.S., la nuit du 27 août 2025, elle a reçu via WhatsApp une convocation du commissariat central de Dakar provenant d’un numéro inconnu. Peu après, P.M.T. l’a appelée pour lui dire qu’il avait déposé plainte contre elle, et qu’il allait venir chez elle lui remettre le document. Lorsqu’il est arrivé, elle est descendue pour le rejoindre dans sa voiture. Il lui a alors remis la convocation, précisant qu’il y avait même une deuxième plainte, mais que tout pourrait être arrêté si elle acceptait de revenir travailler avec lui. Il aurait ajouté qu’elle devait penser à sa fille et éviter la prison. Elle affirme avoir remis la convocation à son père après cet échange.
Des tentatives d’embrassade dans son bureau…
Revenant sur le harcèlement sexuel, la plaignante indique que son employeur tentait parfois de la prendre dans ses bras ou de l’embrasser dans son bureau, ce qu’elle a toujours refusé. Elle a remis aux enquêteurs un enregistrement audio où l’on entend P.M.T. tenir des propos à caractère sexuel.
Des malversations découvertes après sa démission
Interpellé, P.M.T. a reconnu être l’homme sur l’enregistrement, mais a nié les accusations de harcèlement. Il soutient avoir employé A.S. pendant huit ans, avant de la nommer chef de projet avec un salaire d’un million de FCFA. Selon lui, après sa démission, il a découvert des faux et usages de faux portant sur des traites de 62 millions de F CFA et des pièces de caisse de 7 950 000 F CFA. Il affirme que lors de leur unique rencontre après son départ, c’est elle qui a tenté de lui faire des avances et de l’enregistrer à son insu. Quant aux propos obscènes figurant dans l’audio, il reconnaît les avoir tenus, mais pour l’humilier et la repousser.
À la barre, A.S. a maintenu ses déclarations faites devant les enquêteurs. De son côté, P.M.T. a contesté le délit de harcèlement sexuel, tout en admettant avoir eu des propos indécents, qu’il qualifie de plaisanteries. Il a également soutenu qu’il ne pouvait commettre de tels gestes, son entreprise étant équipée de caméras de surveillance.
Pour Me Abdou Dialy Kane, avocat de la partie civile, le prévenu a exécuté ses menaces en déposant effectivement, le 30 octobre, une plainte contre sa cliente pour malversations. L’avocat est convaincu que sa cliente a bel et bien été harcelée sexuellement et a demandé le franc symbolique en réparation.
Le procureur de la République a, pour sa part, requis l’application stricte de la loi pénale. Me Youssou Guéye de la défense a contesté la qualification de harcèlement sexuel, invoquant les dispositions de l’article 319 bis du Code pénal. Selon lui, il n’existait plus de lien de subordination entre les deux au moment des faits. Il soutient également qu’une expertise a mis en évidence des détournements de fonds au détriment de l’entreprise. Son confrère Me Thioub a appuyé cette argumentation, estimant que le harcèlement sexuel n’est pas caractérisé.
L’affaire a été mise en délibéré au 10 novembre 2025.
