Malgré l’adoption de la loi d’orientation sociale en 2010, censée garantir l’inclusion et l’égalité des chances pour les personnes handicapées, les personnes vivant avec l’albinisme au Sénégal restent en marge. Lors d’une journée de don organisée en leur faveur, Mouhamadou Bamba Diop, président de l’Association Nationale des Albinos du Sénégal (ANAS) et de la Fondation des personnes vivant avec l’albinisme au Sénégal et en Afrique, a dénoncé l’inaction des autorités et les conditions de vie dramatiques de cette communauté.
Exclusion
« Depuis l’indépendance en 1960, les personnes handicapées, notamment les albinos, attendent l’application effective de la loi d’orientation sociale », a déploré M. Diop. Selon lui, l’absence de volonté politique inclusive relègue les albinos à une marginalisation dans tous les secteurs : éducation, santé et emploi. Contraints de travailler dans les champs ou de vendre sur les routes pour survivre, beaucoup vivent dans une précarité extrême. Certains, même diplômés, se retrouvent sans emploi et réduits à la mendicité, souvent abandonnés par leurs conjoints ou leurs familles.
En 2023, l’ANAS a recensé 27 décès d’enfants albinos, principalement dus à la pauvreté, à l’exposition au soleil et aux cancers de la peau. « Ces enfants meurent parce qu’ils ne jouissent pas de leurs droits. Si l’État reste indifférent, les albinos continueront de mourir à petit feu », a alerté M. Diop, qualifiant cette situation de « génocide déguisé ». Il critique l’aide dérisoire de l’État : une subvention de 300 000 FCFA pour des organisations représentant plus de 10 000 personnes, insuffisante pour couvrir ne serait-ce qu’une semaine de crème solaire, indispensable pour protéger leur peau.
Des obstacles majeurs à la santé
L’accès aux crèmes solaires, essentielles pour prévenir les cancers de la peau, reste un défi. Un flacon coûte jusqu’à 40 000 FCFA, une somme prohibitive pour la plupart des albinos. Par ailleurs, l’albinisme, causé par une absence de mélanine, entraîne des troubles visuels comme le nystagmus, la photophobie ou l’astigmatisme. Mais au Sénégal, le manque d’optométristes et le coût élevé des lunettes spéciales (entre 300 000 et 400 000 FCFA) aggravent leur situation. « On ne devrait plus voir un albinos peiner à obtenir des lunettes adaptées », a insisté M. Diop, interpellant le ministère de la Santé.
Au-delà des difficultés matérielles, les albinos subissent des discriminations liées à des croyances superstitieuses. « Certains pensent qu’un ministre qui reçoit un albinos risque de perdre son poste, ou que le président pourrait perdre sa présidence. Ces idées absurdes persistent depuis 1960 », a dénoncé M. Diop, appelant à un changement de mentalité.
Malgré ces défis, M. Diop reste optimiste. Il a annoncé qu’une firme américaine est prête à collaborer pour installer une fabrique de crèmes solaires au Sénégal, une initiative qui pourrait alléger les coûts pour les albinos. Cependant, il insiste sur la nécessité d’une approche basée sur les droits, et non sur une politique fluctuante. « Nous avons élu ces autorités pour qu’elles servent la population, pas pour qu’elles l’ignorent. Comprendre les souffrances des communautés vulnérables est essentiel pour des solutions inclusives et durables », a-t-il conclu.
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