Parti du Sénégal dans l’espoir de rejoindre l’Europe, un jeune migrant a été arrêté en Algérie. Le groupe dont « Mamadou » faisait partie a été «trahi» par le chauffeur «quelques jours après le départ». C’est ainsi qu’ils se sont retrouvés «abandonnés dans le désert, quelque part au nord de la Mauritanie», confie-t-il à Infosmigrants. Le jeune homme, âgé de 25 ans, repris par Libération, se dit «traumatisé par la violence» de son expulsion.
«C’était la première fois que je me retrouvais nu devant d’autres personnes»
«On a marché toute la nuit dans le désert, c’est moi qui guidais tout le monde avec l’étoile polaire. A cet endroit dans le désert, il y a du relief. Ça monte et ça descend tout le temps, c’est épuisant. Et puis on a vite été à court d’eau et de nourriture. On n’avait que quelques bouteilles d’eau et des bonbons. On a fini par arriver à la frontière algérienne. Au début, les gardes étaient accueillants. Ils nous ont donné des pommes. Et puis ils ont commencé à nous fouiller, et ont pris nos téléphones. Ils ont dit : « C’est confisqué ». Certains de mes amis ont été frappés. Moi aussi. Les gardes nous disaient qu’on était des bandits, qu’on cachait des choses. Ils hurlaient. Et puis l’un d’eux m’a obligé à me déshabiller. J’ai même dû enlever mes sous-vêtements, devant tout le monde. C’était la première fois que je me retrouvais nu devant d’autres personnes.»
«On était plus de 100 personnes dans une prison»
«Après ça, les agents nous ont amenés à Tindouf. Je m’en souviens, c’était un vendredi. On est resté bloqué là, dans différents locaux des autorités. On devait laver leurs voitures, et leurs toilettes. A midi et à 20h, on nous distribuait du pain. Au bout de quatre jours, après un entretien avec la police et une courte visite à l’hôpital, j’ai été emmené dans ce qu’ils appelaient « l’auberge de jeunesse ». Mais en fait, c’est une prison. […] Il y a des jours où on mangeait, d’autres non. Je pense qu’on était plus de 100 personnes. J’avais peur, mais au fond, je n’étais pas vraiment surpris. Des amis qui étaient au Maghreb m’avaient prévenu que « l’Algérie, c’était compliqué ». Mais je pensais quand même pouvoir y arriver.»
«Les policiers braquaient leurs armes sur nous»
«Après 22 jours dans cet endroit, on nous a tous entassés dans des bus, menottés. Au bout de deux jours et demi de route, on s’est arrêté à Tamanrasset, où d’autres cars ont rejoint les nôtres. Je pense qu’en tout, il y avait plus de 1 000 migrants. Les Nigériens ont été séparés des autres Africains. Et on a roulé, assis les uns sur les autres, de nuit. Les policiers braquaient leurs armes sur nous, on avait interdiction de bouger. Et puis, au bout de cinq ou six heures, les bus se sont arrêtés. On nous a déposés dans le désert, il n’y avait rien autour. La police algérienne nous a crié : « Voilà Assamaka », en pointant le doigt vers l’horizon. «L’Oim, [Organisation internationale pour les migrations], c’est tout droit». On s’est mis en marche, je ne sais plus pour combien de temps. Tout ce dont je me souviens, c’est que j’étais épuisé, complètement à bout de forces. J’ai quand même réussi à faire la dizaine de km qui nous séparaient d’Assamaka.»
«Quand je vois les naufrages sur internet…»
«Arrivé là-bas, c’était très dur. Le local de l’Oim était saturé, il n’y avait plus de place. Je suis tombé malade : Je me sentais très faible, j’avais mal partout et je ressentais beaucoup de tristesse. J’étais déçu de moi-même car je n’avais pas atteint mon objectif. Et j’étais traumatisé par la violence de mon expulsion. Mais aujourd’hui, avec le recul, je me dis que finalement ce n’est peut-être pas plus mal. J’ai évité la Méditerranée. Et quand je vois les naufrages sur Internet. [Il coupe]. Je préfère rester à Ziguinchor [au Sénégal] où je suis rentré après mon expulsion.»