Cette responsable administrative de 27 ans vit un véritable calvaire. Elle s’est confiée à L’Observateur. Extraits.
Mariage arrangé
«Je suis divorcée d’avec le père de mes enfants et, depuis quatre ans, il me prive de les voir. Mon ex-mari est un médecin militaire, un Colonel récemment promu au cœur de la République. Je l’ai rencontré grâce à mon père. Ils étaient amis, une amitié qui date de plus de 30 ans, bien avant ma naissance. Mon père me l’a présenté quand j’avais 17 ans, j’étais alors en classe de Première scientifique. Nous nous sommes mariés en 2015, deux mois après notre rencontre. C’était un mariage arrangé que j’ai accepté pour ne pas désobéir à mon père. Certes, il m’avait demandé mon avis et je lui ai fait comprendre que je me marierais avec n’importe quel homme qu’il aura choisi pour moi. Je lui faisais confiance. J’avais l’intime conviction que mon futur mari était quelqu’un de bien et qu’il prendrait bien soin de moi. Malheureusement, je m’étais trompée sur toute la ligne. Au début, ma mère n’était pas d’accord, elle ne voulait pas de ce mariage. Elle voulait que je poursuive mes études pour pouvoir réaliser mes rêves : devenir médecin. Mais étant médecin militaire, mon fiancé a su la convaincre. Il l’a rassurée, lui promettant de me soutenir dans mes études. Des promesses qu’il n’a jamais tenues.
L’enfer du domicile conjugal
«Mon calvaire a commencé le jour où j’ai rejoint le domicile conjugal. J’étais une gamine et je ne savais rien de la vie. Mon mari me maltraitait verbalement et physiquement. Il me battait, chaque jour, pour un oui ou pour un non. Il ne faisait pas attention à moi. Il ne se souciait jamais de mon bien-être. Il me rabaissait et m’insultait tout le temps. Mon calvaire a duré 4 ans. Durant toutes ces années, il ne cessait de me battre pour des histoires insignifiantes. […] Et puis en 2019, s’en fut trop pour moi. J’étais fatiguée, lessivée, détruite… J’ai compris qu’il finirai par me tuer si je restais encore dans ce mariage. J’ai fini par dire stop, j’ai demandé le divorce. Je suis rentrée chez moi avec mon fils, notre premier enfant. Je ne savais pas alors que j’étais enceinte de mon second enfant. Une grossesse à risques. Je l’ai tenu au courant, mais il n’est jamais venu me voir. Ma mère a pris en charge les consultations prénatales. Lui n’a refait surface qu’après mon accouchement, il a payé les frais de la clinique et du baptême de sa fille. Et puis, plus rien. Il a de nouveau disparu.
Retour du père
«J’avais en charge deux enfants à bas âge, ma fille étant née 1 an après mon fils. C’était très diffi-cile. J’étais jeune et je ne travaillais pas, puisque j’avais abandonné les études. Grâce à ma mère, j’ai pu m’en sortir avec mes enfants. Je ne la remercierais jamais assez. Elle s’assurait que mes enfants ne manquassent de rien. Quelque temps après mon accouchement, je me suis forcée à chercher de travail. J’acceptais toutes les offres honnêtes de boulot pour subvenir aux besoins de mes enfants et alléger ma mère. La vie allait ainsi et puis, un an plus tard, mon ex est revenu à de meilleurs sentiments. Il a commencé à prendre des nouvelles des enfants et à prendre soin d’eux.
Confiance trahie
«En 2021, il est venu m’annoncer qu’il s’était remarié et qu’il aimerait prendre les enfants avec lui, leur offrir un cadre de vie stable, les mettre dans de bonnes conditions et les inscrire dans les meilleures écoles. Après mûre réflexion et pour le bien des enfants, j’ai fini par accepter. Je ne me suis pas méfiée, malgré le refus catégorique de ma mère. Une décision que je regretterais toute ma vie. On était tombé d’accord sur le fait que les enfants viennent passer, chez moi les week-ends, les jours fériés, les fêtes et les grandes vacances. Au début, tout se passait très bien. Le calendrier était respecté et, sans aucune raison apparente, mon ex-mari a changé du jour au lendemain, me refusant de voir mes enfants. Il ne les emmenait plus chez moi. Cela fait aujourd’hui 4 ans que j’ai aucune nouvelle de mes enfants. Je ne sais rien d’eux, je ne sais pas s’ils vont bien, s’ils sont bien traités, s’ils mangent à leur faim. Je ne sais même pas s’ils se souviennent encore de moi. S’ils se rappellent du visage de leur mère…
Promu dans le gouvernement
«Je ne sais même pas où ils habitent. J’étais allée voir sa famille pour qu’ils interviennent auprès de lui, mais ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient rien faire pour moi. Les fêtes de Korité ou de Tabaski, je me déplaçais chez lui, espérant l’apercevoir ou entrapercevoir mes enfants. Je ne les ai jamais vus. Cela fait 4 ans que je fais ce rituel. Depuis 4 ans, je cherche à voir mes enfants. Depuis 4 ans, on me prive de mes enfants. Je n’ai aucune nouvelle d’eux. J’ignore dans quel état d’esprit ils sont. J’ai peur qu’ils soient traumatisés par leur père, comme je l’ai été. J’espère qu’ils vont bien… La plaie s’est creusée encore plus lorsque, très récemment, j’ai su, par le biais des médias, qu’il a été promu à un poste très important dans le gouvernement. Ce qui signifie qu’il est à Dakar.
Risque de procès pour bigamie
«Ce qui complique encore plus mon histoire, c’est le fait que je ne dispose pas de certificat de mariage. Au tout début de notre mariage, je lui demandais tout le temps d’aller à la mairie pour le mariage civil. Mais il esquivait la question. Fatiguée, j’ai fini par laisser tomber. A cause de cette négligence, je ne peux même pas me remarier puisqu’on n’a pas encore di divorcé devant un tribunal. Le connaissant, il est capable de me faire un procès pour bigamie si toutefois je me remarie. D’ailleurs, je ne comprends toujours pas pourquoi il refusait d’aller à la mairie. C’est un homme de tenue. En partant de documents administratifs, même nos enfants n’ont pas d’Extrait de naissance. Il a refusé de les déclarer à leur naissance. Le pourquoi ? Je ne sais pas.
Les femmes juristes sollicitées
«Avec mon avocat, j’essaye de me battre avec les moyens du bord. J’ai aussi sollicité l’aide de l’Association des juristes du Sénégal (Ajs) pour avoir des certificats de non inscription de naissance des enfants et un certificat de non inscription au mariage. J’ai tous les papiers avec moi. Seulement, il me faudrait sa pièce d’identité pour que tous ces documents soient recevables. Je suis allée déposer une plainte contre lui, mais les enquêteurs m’ont fait savoir qu’ils ne pouvaient pas convoquer un homme de tenue. J’ai écrit une lettre à la hiérarchie qui est restée lettre morte. Tout ce que je veux, c’est revoir mes enfants. C’est tout ce que je demande. Rien de plus. […]»