Doudou Diop, 23 ans, a perdu la vie fin juillet dans une embarcation partie du Sénégal vers l’archipel espagnol des Canaries. Le jeune réalisateur de documentaires est mort en cherchant à filmer la réalité de ce dangereux trajet, rapporte El Pais.
La découverte de sa disparition a ému le Sénégal. Fin juillet, le jeune réalisateur sénégalais Doudou Diop, 23 ans, est mort dans une embarcation de migrants qui cherchait à gagner l’archipel espagnol des Canaries, a rapporté, dimanche 17 septembre, le quotidien espagnol El Pais. Le jeune homme avait déjà été remarqué pour son court-métrage « Le Dépotoir », sélectionné au Festival International du film documentaire de Porto Novo.
« C’était une pépite de la relève du cinéma sénégalais. Une pierre brute qui ne demandait qu’à rayonner dans ce domaine où il commençait à se faire un nom », a écrit la journaliste Oumy Ndour à son sujet dans un article publié sur le site Press Afrik.
Selon El Pais, Doudou Diop cherchait depuis un moment à filmer la route migratoire des Canaries pour en montrer les difficultés. « Il avait tourné des plans avec des acteurs sur un bateau, près de Saint Louis », indique le quotidien. Mais, non-convaincu par le rendu de ces plans, le réalisateur avait souhaité filmer au plus près de réelles scènes de traversée de l’Atlantique. Dans les documents laissés chez ses parents, ses proches ont retrouvé le synopsis de ce projet documentaire baptisé « Daaj Graal », raconte encore El Pais.
« Mon intention est de raconter l’histoire de Tapha, qui lance sa troisième tentative pour rejoindre les côtes espagnoles en cayuco (bateau). Il était inévitable d’en arriver à la conclusion qu’il serait intéressant de raconter le parcours de quelqu’un qui, après avoir vécu l’enfer, ne renonce pas une fois de plus face à la mer », avait écrit Doudou.
« Je me suis réveillé à l’hôpital et Doudou n’était pas là »
Sans en avoir informé ses proches, le 18 juillet dernier, le réalisateur est monté à bord d’un bateau avec deux amis, Babacar et Tapha. Les trois Sénégalais ont versé 400 000 francs CFA (environ 600 euros) au passeur.
La première nuit en mer se déroule sans encombre, rapporte El Pais, mais au bout de cinq jours de navigation, la situation se détériore à bord du bateau. « Nous avons mangé du couscous avec du lait et du sucre, mais il n’y avait plus de nourriture. Il y avait beaucoup de vent et de froid, les vagues étaient énormes. Nous étions trempés et le capitaine ne savait pas quelle direction prendre », a raconté Babacar à El Pais.
« Vers le septième jour que nous avons eu une éruption cutanée sur tout le corps et que nous avons commencé à vomir. Vingt-quatre heures plus tard, [Doudou] perdait connaissance. Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé ensuite car moi aussi je me suis évanoui, je me suis réveillé à l’hôpital et Doudou n’était pas là », se souvient le jeune homme.
Le 28 juillet, la marine marocaine porte secours aux migrants. À bord de la pirogue, les 71 survivants affirment que 14 passagers sont morts, dont Doudou Diop. Babacar, lui, est hospitalisé à Dakhla, au Sahara occidental. À son retour à Saint-Louis, le jeune homme a confirmé la mort de Doudou à la famille du jeune réalisateur qui le cherchait partout.
La nouvelle est un choc. « C’était quelque chose d’impensable, a confié son père à El Pais. Doudou n’avait pas de problèmes d’argent, il avait des projets, un avenir devant lui. Une fois que je lui ai proposé d’utiliser mes contacts pour lui trouver un bon travail et qu’il a refusé, il m’a dit que son rêve était de réussir dans le cinéma ».
Diplômé de l’Université Gaston Berger de Saint Louis en études du Patrimoine, Doudou Diop avait poursuivi sa formation en photographie, vidéo, montage et post-production au centre de formation Yennenga, à Dakar.