Tourmenté par deux ans de guerre qui a fait des milliers de morts, le Soudan s’est trouvé un moyen d’oublier un instant un quotidien dramatique : l’équipe nationale de foot qui affronte, ce samedi soir en Libye, le Sénégal en qualifications pour la Coupe du Monde 2026.
Avec un conflit qui s’enlise, les infrastructures sportives sont dévastées et les stades abandonnés. Le Championnat national s’est arrêté et des clubs se sont réfugiés dans d’autres pays. L’une des plus grandes équipes notamment, Al Hilal Omdurman, où évoluent quatre footballeurs sénégalais (Marc Junior Mendy, Ousmane Diouf, Aimé Etane Tendeng, El Hadji Madické Kane), joue désormais dans la Ligue mauritanienne. De son côté, pour préparer ses rencontres, l’équipe nationale s’exile en Arabie saoudite, où elle bénéficie d’un encadrement et d’installations de qualité.
« Ce que nous pouvons, c’est rendre le peuple soudanais heureux »
Et pour accueillir leurs matchs officiels au niveau des compétitions de la CAF et de la FIFA, les Faucons de Jediane font de la Libye leur « domicile ». Et c’est paradoxalement ce déracinement qui leur permet de réaliser de bels exploits sur la scène continentale. Absent lors de la dernière Coupe d’Afrique des Nations organisée en Côte d’Ivoire, le Soudan sera bel et bien présent au Maroc, l’hiver prochain, pour participer à sa neuvième phase finale de CAN, après un beau parcours lors des phases qualificative dans un groupe où figuraient l’Angola, le Niger et surtout le Ghana.
Et pour enthousiasmer plus les Soudanais, qu’ils soient dans les régions contrôlées par les forces armées du pays ou par les Forces de soutien rapide (FSR) – une force paramilitaire -, les hommes de James Kwesi Appiah, sélectionneur de l’équipe, réalisent une surprenante campagne pour les qualifications au Mondial 2026. « Ce que nous pouvons faire, c’est rendre le peuple soudanais heureux. Nous savons que lorsque nous jouons, les armes sont déposées, peut-être même pour une semaine ou deux. », confie le technicien ghanéen au quotidien anglophone émirati, The National.
« Nous recevons un message indiquant que quelqu’un dans le groupe a perdu un proche »
Pourtant, la situation est bien loin d’être évidente. Certes, les footballeurs de la sélection soudanaise sont d’authentiques professionnels mais leurs propres familles sont parfois exposées cette guerre qui s’est éclatée en avril 2023. Cependant, ils défendent le même drapeau, uni sous le maillot d’une fédération encore unifiée. « La plupart du temps, nous recevons un message indiquant que quelqu’un dans le groupe a perdu un proche, parfois un parent », rapporte James Kwesi Appiah. « En réalité, ces messages arrivent presque à chaque fois que nous sommes en plein regroupement. »
Au moment d’affronter le Sénégal dans une rencontre cruciale pour les deux nations vers la qualification pour le Mondial 2026, le Soudan entend bien s’appuyer sur « la magie du football » pour redonner le sourire à sa nation et contrarier les plans des Lions, impressionnants de qualité sur le papier mais qui doivent se méfier. « J’ai toujours su qu’il y avait de bons joueurs au Soudan, estime Appiah. « C’est une question de mentalité. Je leur dis : « Ne vous rabaissez pas. Vous êtes forts et athlétiques. Vous êtes des joueurs de grande qualité. Considérez-vous comme les meilleurs. » »