Plusieurs figures de la société civile sénégalaise saluent la prise de position du Président Bassirou Diomaye Faye face aux récentes violences policières. De retour d’un déplacement à Séville (Espagne), où il a participé au 4? Sommet sur le financement du développement, le chef de l’État a réagi avec fermeté à une actualité nationale marquée par de graves bavures présumées à Rosso et Cambérène, certaines ayant même causé des pertes en vies humaines.
Alors que l’indignation était à son comble, une jeune fille a été grièvement blessée à la joue par un projectile lors des heurts à Rosso. Elle a été évacuée d’urgence à l’hôpital de Richard Toll. Ce nouvel incident vient allonger une série noire, et relance les critiques contre les méthodes des forces de l’ordre. Face à cela, les défenseurs des droits humains, dont les réactions sont relayées par L’Observateur, appellent à une refonte complète de la doctrine sécuritaire.
Pour Alioune Tine, fondateur d’Afrikajom Center, la réaction présidentielle marque un tournant inédit dans la gouvernance sénégalaise. Il y voit une volonté affirmée de rompre avec l’impunité qui a longtemps protégé les auteurs de violences policières.
« J’ai été agréablement surpris de voir un président africain s’exprimer de cette manière. C’est une indignation salutaire », a-t-il apprécié.
Le défenseur des droits de l’homme rappelle que le Sénégal est signataire de la Convention des Nations Unies contre la torture, et que le rappel par Diomaye Faye de ces engagements contribue à restaurer la crédibilité d’une police souvent critiquée sur le plan national, mais respectée à l’international lors des missions de paix.
Il plaide pour des réformes structurelles : « Il faut former, sanctionner et assainir. Les policiers violents n’ont pas leur place dans une République. »
Tine appelle également à appliquer le Protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance, qui encadre notamment l’usage proportionné de la force par les forces de sécurité.
Seydi Gassama, directeur exécutif d’Amnesty International Sénégal, note un changement de ton significatif, bien que la culture sécuritaire, elle, n’ait pas encore évolué en profondeur. Il observe toutefois des progrès, notamment une plus grande réactivité administrative et une coopération renforcée avec la justice.
« Le changement de régime n’a pas encore entraîné un changement de culture. Mais on note une volonté nouvelle, y compris au sein des hiérarchies. »
Il cite à titre d’exemples le cas du jeune homme torturé à Pikine, dont les policiers ont été condamnés en moins d’un an, et celui du gendarme de Foundiougne, sanctionné pour avoir passé à tabac un suspect à l’hôpital.
Mais selon lui, le véritable changement est politique : « C’est la première fois qu’un chef d’État sénégalais parle avec autant de clarté et de fermeté sur les violences policières. Ni Abdoulaye Wade, ni Macky Sall ne l’ont fait. »
Seydi Gassama insiste sur la nécessité d’institutionnaliser ce message, à travers des notes de service et des directives formelles, pour qu’il soit entendu et appliqué à tous les niveaux de la chaîne de commandement :
« Il faut que chaque policier, chaque gendarme, entende ce message dans un cadre officiel, pas seulement sur les réseaux sociaux. »
Pour Oumou Kantoum Sarr, responsable de programme à la RADDHO, le discours présidentiel doit marquer le début d’un véritable changement de culture. Elle avertit que les réponses ponctuelles ne suffisent pas et qu’il faut désormais des garanties structurelles pour éviter la répétition des dérives.
« Ce nouveau pouvoir a tout intérêt à faire en sorte que ces bavures ne se reproduisent plus. »
Elle demande que les enquêtes annoncées soient réellement indépendantes et ouvertes à la société civile :
« Les ONG doivent pouvoir enquêter et contribuer à rétablir la vérité. Cela renforcerait la confiance entre citoyens et institutions. »
Rappelant les nombreuses bavures entre 2021 et 2024, elle juge que les sanctions prononcées contre certains agents ne sauraient suffire sans un travail de prévention dès la formation.
Sarr pointe une incohérence majeure : « Quand nos forces de sécurité sont en mission onusienne, elles respectent toutes les règles d’engagement. Pourquoi ne pas adopter la même rigueur au Sénégal ? »
La droit-de-l’hommiste appelle enfin à une campagne nationale de sensibilisation, menée en synergie avec l’État, les collectivités et les jeunes, pour refonder la relation entre forces de l’ordre et population.